jeudi 24 novembre 2011

« E comme Espoir ? » / « E like a new field of human Endeavour ? »

Vue de l'exposition / Exhibition view

This year the project “e.city-Gdansk” presents the city of Gdansk, from an artistic, urbanistic, cultural and historical point of view, to make known its identity, through two exhibitions – a photographic one and a video one – organized by the artist and curator Agnieszka Wolodzko in the gallery Apollonia and through a residence of the Polish artist Dominika Skutnik, both in Strasbourg.
Indeed, the Polish city has been largely destroyed at the End of the Second World War and has then been subjected to a high communist suppression. This past, this history seems to be very important in the exhibitions and in almost every artists’ works. However, they live, now, to the present and try to see the life easier. That’s why every works swing between different temporalities, between the past and the present, between the memory and the hope. These different temporalities, this bivalence, these oppositions, this plurality are important in the pieces, in the messages they deliver. These are also marked by the diversity of the approaches, the different uses of the medium, the generation’s gap, the expression of the art, in one hand, passing by the documentary, a certain form of gravity, and on the other hand a more lyrical, poetic, funny, fantastic, or caustic way. So, please, “Step forward to the rear!”, to reuse one of the exhibition’s title and let’s conclude by a new conjugation of the project “e.city” that means : “E like Europe, E like Exchange, E like urban Environment”, and why not “E like new field of human Endeavour ?”

    Le projet « e.cité-Gdansk » de cette année consiste à présenter, à travers deux expositions organisées par la commissaire et artiste Agnieszka Wolodzko et une résidence de l’artiste Dominika Skutnik, la ville de Gdansk, jusqu’à la fin de l’année 2011, d’un point de vue artistique avant tout, urbanistique, culturel, historique et donc identitaire. En effet, la ville polonaise a été largement détruite à la fin de la Seconde Guerre Mondiale et a subi une forte répression communiste dans les longues années d’après-guerre. Ce passé lourd et marquant semble inscrit dans les expositions d’Apollonia qui nous incitent à « avancer vers l’arrière » et nous ramènent ainsi, d’une certaine manière, vers les douleurs de l’Histoire encore présentes, les hommes – et les artistes – polonais, vivant toujours entre « le fardeau et la légèreté » du présent.

Par ailleurs, Dominika Skutnik, artiste originaire de Gdansk séjournera à Strasbourg jusqu’au mois de décembre, pour interroger l’impact de la ville, d’un lieu, dans la création. Une production plastique découlera, à son retour à Gdansk, de cet échange entre l’artiste polonaise et Strasbourg, mais surtout, un projet strasbourgeois « draw in (g) the city », pleinement inscrit dans le territoire, puisqu’il est mené en partenariat avec L’Ecole Supérieure des Arts Décoratifs et l’Ecole d’architecture de la ville de Strasbourg se construit actuellement, mêlant les notions de ville, d’histoire et de création artistique et se nourrissant surtout d’échanges et de métissage entre les étudiants et l’artiste, dont les regards, les nationalités, les pratiques artistiques diffèrent.

D’autres regards se croisent dans le projet « e.cité-Gdansk », notamment ceux des deux expositions – l’une photographique, l’autre vidéo – présentées en un seul lieu, la galerie Apollonia dont les titres respectifs nous suffisent pour comprendre les liens qui les unissent, outre la ville de Gdansk elle-même. Particulièrement intrigants, ces titres nous conduisent, puisque ce sont deux oxymores, à lire le message véhiculé par toutes les œuvres dans les deux sens. N’y aurait-il pas, au milieu de ces traces, des témoignages, vidéos et photographiques, de cette Histoire et de cette mémoire, des notes de légèreté et d’espoir ? Avançons, puisqu’il l’est dit ainsi.

L’accent est mit sur cette forte bivalence, sur les oppositions et sur la pluralité. Une pluralité marquée à la fois par la diversité des approches, des utilisations et des manipulations des médiums photographiques et vidéos surtout ; par l’écart des générations d’artistes, mêlant pionniers et jeunes débutants ; par les intentions, tournées plutôt vers l’homme ou son environnement, vers l’homme absent, présent, présent par son absence, vers un passé, un présent ou un futur, assemblant des visions tantôt graves, tantôt drôles, et avant tout par la richesse des œuvres exposées.

Les œuvres de Zbigniew Kosycarz par exemple, ancien photographe de presse, ont valeurs de documentaires et de témoignages historiques, tout comme les photographies, néanmoins plus intimistes d’Agnieszka Wolodzko. On retrouve par ailleurs, à plusieurs reprises, la mémoire du chantier naval à la renommée internationale et qui a, lui aussi, fortement marqué l’histoire de la ville, dans les œuvres photographiques et vidéos des artistes Michel Szlaga ou d’Alicja Karska et Aleksandra Went. L’histoire navale et le monde marin sont par ailleurs des motifs récurrents dans les vidéos sélectionnées pour l’exposition – utilisant cependant des formes plastiques et des registres très variés –, notamment dans celles d’Ania Witkowska qui explore les mondes sous-marin d’un aquarium, de Witoslaw Czerwonka qui fixe deux caméras sur la mer ou le vidéo-clip de Maciej Szupica & Przemysław Adamski & Maciej Salamon, qui tangue entre traversée surnaturelle, épopée extra-ordinaire, bouteille à la mer et poissons-globe. L’œuvre Beta Nassau de Piotr Wyrzykowski nous renvoie également à ces références en nous faisant découvrir la coque d’un bateau vieilli sous un tout nouveau point de vue qui dévoile comme une multitude de tableaux coloristes abstraits. Mais nombreux sont les artistes vidéastes qui ont recours à des formes moins documentaires et plus empathiques, en travaillant davantage dans le registre du fantastique, de la narration imaginée, de l’humour, au présent, un humour néanmoins caustique, comme celui d’Honorata Martin ou de Julia Kurek dont les œuvres oscillent entre malaise et amusement. Une autre dichotomie se retrouve dans la très belle vidéo-performance Coffee de Wojciech Zamiara qui nous montre l’effacement progressif de l’homme, mais ce de manière particulièrement ironique et lyrique : entre fardeau et légèreté, une fois de plus.

Rapide focus, pour conclure, sur le Cityproject d’Alicja Karska et Aleksandra Went qui boucle la boucle : les photographies basculent entre les deux temporalités inhérentes à l’exposition. Les tourments de l’histoire pèsent toujours sur la ville de Gdansk détruite à la fin de la seconde guerre mondiale et représentée à l’arrière-plan, mais les deux artistes sont pleines d’espoir et nous proposent un projet urbanistique futuriste utopique, et léger, dans tous les sens du terme, puisque la maquette est réalisée en sucre. Cependant, ce projet de ville nouvelle ne tardera malheureusement pas à être, lui aussi, comme par le passé, détruit. Entre l’Histoire et le présent, la mémoire et l’espoir, règne toujours en toile de fond de toutes ces œuvres, le fardeau qui domine, encore ou à nouveau, leurs vies quotidiennes. Le cycle annuel de manifestations « e.cité » se résume toujours ainsi « E comme Europe, E comme échanges, E comme (arts) électroniques, E comme environnement urbain. » Une fois encore, tout y est avec Gdansk. Mais pourquoi ne rajouterions-nous pas cette année, « E comme espoir » ? En tous les cas, nous disons « E comme empressons-nous de partir à la rencontre de Gdansk et ses artistes, d’hier, d’aujourd’hui et de demain. » 

 
Claire Kueny.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire